Aujourd’hui, maman se fait enterrer
Francine observait les allers et retours des gens qu’elle connaissait à peine. Elle trouvait ça surprenant. Maman était malade, et maintenant, froide comme la glace, tout s’affligeait autour d’elle. Les mains tremblantes, les yeux remplis de haine, Francine sentait la colère monter. Mais ce n’était pas le moment. Aujourd’hui, c’étaient les funérailles de sa mère. Elle ne pouvait pas faire de scène.
Le soleil avait disparu, comme s’il avait été emporté avec elle. Le ciel était d’une obscurité effroyable. Francine pensait que c’était un signe.
—Maman avait toujours dit qu’elle était la fille du soleil. Normal que son père ne veuille pas se montrer.
Les gens marchaient vite, mais Francine, manteau long et noir, les mains dans les poches, avançait lentement. Ses cheveux étaient attachés avec soin.
—A quoi bon se dépêcher, murmura -t-elle. Maman disait :Les morts sont morts. Pas la peine de se précipiter.
Francine tentait de retenir ses larmes, les poings serrés.
Une longue route de gravier. Un homme fumait une cigarette. La nausée monta. Francine ne supportait pas l’odeur. Une voiture mal garée. Le cimetière était rempli, mais pas vraiment pour sa mère. Ils défilaient, tous vêtu de noir, comme des corbeaux. Des mains se posaient sur son épaule. Elle ne savait pas pourquoi. Ces gens que maman aurait aimés n’étaient pas là.
Pourquoi faire semblant ?
Les discours se succédaient, mais aucun n’était sincère. Francine n’avait pas la force d’en prononcer un. Elle savait qu’elle le regretterait, mais c’était au-dessus de ses forces. Le moment vint de poser les fleurs. Aucun d’eux n’avait respecté les goûts de sa mère. Sa mère détestait les roses. Elle préférait les tulipes. Francine était la seule à en avoir apporté.
Je n’aurais pas dû écouter ma tante. Maman déteste le noir. J’aurais dû porter sa couleur préférée.
Encore un regret.
Elle posa délicatement les tulipes avant de se laisser aller sur le cercueil. Son âme semblait se déverser. Elle qui ne voulait pas pleurer fut consolée par des inconnus hypocrites. Un soupir, un effort pour se reprendre, et elle s’éloigna, ne voulant pas voir le cercueil être descendu.
À l’écart, elle observait une autre famille enterrer quelqu’un. Là, les réactions semblaient humaines. Tout le monde pleurait vraiment. C’est alors que Francine leva les yeux vers le ciel et aperçut un corbeau tournoyant sans cesse, comme s’il voulait qu’elle le suive. Elle décida de le suivre, pas à pas, puis en courant, jusqu’à ce que son élastique cède et que ses cheveux se retrouvent au vent. Elle se retrouva rapidement devant une église qui semblait abandonnée.
Francine leva de nouveau les yeux et vit le corbeau sur le toit. Elle décida alors de monter aussi. Sur le toit, le corbeau s’envola. Francine se retrouva seule. Elle s’approcha du bord et regarda en bas. Le corbeau était là, la regardant. Elle y vit un signe, un signe du destin.
Avec un souffle de courage ou de désespoir, elle se laissa tomber. Le ciel resta sombre. Son corps s’étendit, mettant enfin fin à ce jeu morbide. La douleur était partout, mais un étrange soulagement l’envahit. Elle allait retrouver sa mère.
Aujourd’hui, maman et moi sommes mortes